Entretien avec Koen Schobbers, le premier esporteur néerlandais ayant le statut de sportif électronique professionnel de haut niveau et auteur du livre "My Gaming Child" (disponible uniquement en néerlandais pour le moment).
C'est par une journée pluvieuse aux Pays-Bas que nous avons rencontré Koen Schobbers dans un café situé à côté de la gare de Gouda, près de Rotterdam. Il revenait alors tout juste d'un week-end à Istanbul, en Turquie, pour assister à l'événement annuel organisé par la Global Esports Federation : les Global Esports Games. Depuis qu'il est devenu un joueur professionnel (esporteur) à l'âge de 15 ans, les jeux vidéo jouent un rôle central dans sa vie. Un rôle central, mais pas principal. Il fait également du sport, ce qui est nécessaire en tant que joueur professionnel et a également étudié la médecine.
Dans nos sociétés modernes, les jeux vidéo font partie intégrante des loisirs quotidiens tout âge, catégorie sociale et genre confondus. Et il en va de même pour le sport électronique d'élite. Alors pourquoi les jeux vidéo restent-ils encore si mal perçus par certaines personnes, principalement par les parents ? Et pourquoi les jeux vidéo sont si souvent un sujet conflictuel entre parents et enfants ?
Du progamer à l'expert
Depuis son plus jeune âge, Koen aime les voitures, les courses et la vitesse. Le sport automobile aurait pu devenir sa passion, mais ses parents ont jugé plus sûr de lui laisser le volant virtuellement. Au tout début, c’est son père qui gagnait les courses, mais très vite, Koen s’est hissé au rang de meilleur pilote virtuel dans le jeu Trackmania. Alors même qu’il ne se rendait pas compte de son véritable talent, il s’est fait recruter par une équipe de pilotes professionnels. Et c'est ainsi que sa carrière de e-sporteur a débuté, en laissant sa mère perplexe, tant le monde des jeux vidéo lui paraissait étranger.
Lorsque le contrat a été signé, il a été convenu à la maison que Koen pourrait continuer à jouer professionnellement uniquement si ses résultats scolaires se maintenaient. « L'école, cependant, n'a jamais été un problème pour moi. C’était davantage la relation que j’entretenais avec ma mère qui était difficile car nous ne nous comprenions pas », explique Koen. « Mon père était intéressé par mon hobby, mais pas ma mère, alors je ne lui en parlais pas ». Plus il s’approchait de son père, plus le fossé entre sa mère et lui se creusait. « Nous nous sommes progressivement éloignés », dit Koen avec une émotion encore perceptible aujourd'hui. « C'était une expérience douloureuse, et n’étant alors qu’un enfant, il m’était difficile de faire le premier pas. Et ce sont toujours les parents qui commandent au final. C'est donc aux parents de décider où le changement doit avoir lieu ».
Après avoir lu un livre du psychologue américain Thomas Gordon sur la relation parents-enfants et la résolution de conflits, sa mère a appliqué efficacement la méthode Gordon au sein de sa famille. Leur relation et la communication entre eux se sont alors nettement améliorées. Le deuxième véritable tournant dans leur relation s’est produit lorsque Koen est arrivé troisième à la Coupe du monde Trackmania, attirant ainsi l'attention des médias. Soudain, Koen n’était plus la cible des regards critiques des autres parents, mais un progamer à succès. La stigmatisation des jeux vidéos par les autres parents a joué un rôle prépondérant chez sa mère : elle a eu besoin de temps pour s’acclimater et comprendre le loisir de son fils, puis à sa carrière. Les deux parties ont fait preuve d’empathie, ce qui a permis de rétablir la relation et d'améliorer le lien mère-fils.
Plus tard, Koen a été confronté dans son entourage aux mêmes conflits entre parents et enfants au sujet du temps passé à jouer sur les écrans. « Mes parents et moi avions déjà traversé cette crise, donc nous savions ce qui se passait », dit-il. Poussé par le besoin de raconter son expérience afin d’apporter des solutions aux autres familles, il a organisé un premier atelier en 2016 pour aider les parents à communiquer avec leur enfant gamer. En 2017, il a commencé à coucher sur papier son parcours et ses conseils - et l’idée d’en faire un livre est apparue en 2018.
Aujourd”hui, Koen a mis fin à sa carrière d'esporter et s'est transformé en expert de la communication entre parents et enfants qui jouent beaucoup aux jeux vidéo, en créant la plateforme Parents of Play (en néerlandais).
Mon enfant est-il accro aux jeux vidéo ? Probablement pas.
Tous les enfants qui aiment les jeux n’en sont pas forcément dépendants. « Les parents ou soignants concluent souvent prématurément que leur enfant est accro aux jeux », explique Koen. Dans son livre « My Gaming Child », publié en 2020, il répond aux questions les plus fréquentes que se posent les parents d'enfants joueurs. Il y promulgue aussi quelques conseils pratiques afin d’améliorer la compréhension entre parents et gamers et construire une base solide pour une meilleure communication.
Dans son livre et lors de ses conférences, Koen ne fait aucune promesse facile aux parents. Il est conscient que c’est un travail de longue haleine avant de pouvoir ouvrir un dialogue et de trouver les bons compromis vis-à-vis des jeux vidéo avec un enfant. Au début, il peut y avoir de l'irritation des deux côtés, mais la persévérance et la patience sont essentielles pour mener à bien cette mission.
Des conseils comme « réduire le temps d'écran d’un enfant à deux heures par jour ne vous mèneront pas très loin » affirme Koen.« Parce que dans l'esprit de votre enfant, cet accord va se transformer rapidement en une injonction de 'je dois passer deux heures par jour à jouer', et vous ne voulez pas cela non plus, n’est-ce pas ? ». Après tout, chaque jour, chaque foyer et chaque situation sont différents. Par exemple, Koen suggère aux parents et aux enfants de planifier ensemble chaque dimanche la semaine à venir et de faire preuve de souplesse.
L’auteur conseille d'examiner l'emploi du temps général, comme l'école, les devoirs, le sport, les cours de musique, etc. Et ensuite de voir où les jeux vidéo peuvent s'insérer de la meilleure manière dans l’agenda de l’enfant sans prendre le dessus sur les autres activités. De cette façon, cela ne sera plus ressenti comme une activité diabolisée par les parents, mais comme quelque chose de normal. Il est important de traiter les jeux vidéos comme tous les autres loisirs, ils se rangeront ainsi au même niveau que les matchs de football en plein air avec des amis. Tous les loisirs, quels qu’ils soient, ont besoin de limites saines.
Cependant, jouer à des jeux vidéo est encore souvent une activité mal comprise et entourée de stigmates. Mais trouver le bon équilibre vous aidera à ne pas devenir accro. Koen a donc mis au point le concept de la Roue aux 5 rayons (« Spel Schijf van Vijf » en néerlandais) composée par le sommeil, l’école, le sport, la vie sociale et les jeux. Les jeux ne doivent pas nuire aux autres rayons de la roue. L’addiction aux jeux vidéo advient lorsque deux ou plusieurs domaines de la vie sont constamment affectés par cette activité. Les jeux vidéos ne doivent donc pas se faire au détriment du sommeil, des activités sociales, des performances scolaires ou professionnelles, ou encore du sport. Si vous pensez que votre enfant est dépendant aux jeux vidéo, rendez-vous auprès d’organismes spécialisés comme SOS joueurs ou encore Addict’AIDE.
Des conseils sur les jeux vidéos pour une famille épanouie
Koen est la preuve vivante qu'un bon accompagnement parental est tout ce dont a besoin un jeune gamer peut réussir à l'école et mener une vie saine et active. Vous rencontrez des problèmes avec votre enfant et les jeux vidéos ternissent la communication au sein de votre foyer ? Alors, nous pouvons sans doute vous aider en traduisant les conseils pratiques du livre de Koen Schobbers.
Les jeux sont amusants, comme beaucoup d'autres passe-temps, alors profitez-en et prêtez attention à votre enfant qui aime jouer. Montrez-lui de l'intérêt et impliquez-vous. Ce n'est peut-être pas le loisir que vous aviez en tête, mais soyez ouvert à ce que votre enfant aime. En écoutant votre enfant et en vous montrant sincèrement intéressé(e), vous maintiendrez le lien, essentiel si vous voulez fixer des limites saines. Vous n'êtes pas obligé(e) de prendre en main la manette et jouer avec votre enfant, mais qui sait, vous pourriez peut-être aussi y prendre goût !
Ces informations vous sont-elles utiles ? Vous aussi vous n'arrivez pas à comprendre le comportement de votre enfant face aux jeux-vidéo ? Alors nous avons de bonnes nouvelles ! Dundle Magazine va publier une série d’articles en accord avec l’auteur Koen Schobbers pour partager plus largement son expérience et ses astuces destinées aux parents au sujet des jeux vidéo.
